J'ai commencé à écrire (ce début de recueil) pour faire un cadeau. Je ne savais pas quelle forme cela prendrait. J'ai cru qu'il s'agirait d’une narration tendre sur le thème de l'enfance. Qu'il y aurait des animaux. Et ce sont des poèmes en « tu » qui sont apparus. Des poèmes, j'en avais déjà foutu plein : des exercices de style, des chimères, des babioles excitantes à poser sur une étagère, une commode, un guéridon, de petits diplômes de bienséance littéraire qui s'époussettent une fois par an. Mais là, c'est de l'intimité sauvage et nue qui s'est manifestée — ce n'était soudain qu’en apparence, ça faisait des années que je bouillonnais dans l'informe. J'ai offert ce premier recueil « La quatrième nuit » à qui de droit. Il a pleuré. La quatrième nuit n'est jamais advenue. L'écriture, si.
J'ai écrit le second fragment deux ans plus tard « l’homme qui gémit comme un soleil ». Parce que je crevais de solitude, de douleur et de passion (comme une telenovela, mais avec une dépression semi-niée et de la routine crasse). Je me suis mise à me battre, et par me battre, je veux dire physiquement, à monter sur un tapis, à attraper des gens avec mon corps, avec mes mains, mes cuisses, à compresser, à étrangler, à désarticuler, à me mouvoir au sol comme une animale. Les mots n’avaient pas suffi. À quoi ? À vivre. J’avais besoin de réalité pour soutenir la poésie, de puissance pour armer ma douceur. J'ai appris à toucher, dans la foulée, à aimer. À aimer comme j'écris maintenant, dans un flux irrésistible, où je me sens particulièrement à ma place, tout entière.
Après le troisième fragment, puis le quatrième, etc, c'est le continuum poésie-bagarre. Le bruit de la petite musique interne. L’écriture fait écho à la mise en page, les silences aux blancs et aux espaces, le rythme aux sauts de ligne et aux coupes brutes ou douces. J’ai un goût pour le mouvant, un amour des mots un peu suaves qui explosent en bouche comme des fruits mûrs, un penchant pour l’insolence, l’invention, les images, la scansion, les répétitions, les allitérations. Faire feu de l’écriture est un plaisir charnel. Il y a toujours eu beaucoup de corps dans mes textes, mais cette fois, l’équilibre est solide, il y a des racines là-dessous (sous les rêves).